ENNERY57
Au Pays des Trois Frontières
Commune jumelée avec Janaillat (Creuse) et Ennery-en-Vexin (Val d'Oise)
LA FAMILLE DE HEU
  La famille de Heu est originaire de la Belgique (Huy près de Liége). Elle vint s’installer dans notre région au cours du XIII siècle. Elle fut l’une des plus puissantes familles de la ville de Metz tant par ses charges, ses alliances, ses richesses et ses fiefs. Elle possédait de nombreuses seigneuries dont celle d’Ennery.

  ENNERY fut acheté an 1314 par Thiébaut de HEU, maître échevin de la ville de METZ, et le plus riche seigneur de la cité. 

  Vers 1325, tout le pays messin fut ravagé par les guerres ; incendies et pillages se succèdent. Il est probable qu'à cette époque eut lieu une première consolidation des remparts, dont l'enceinte fortifiée englobait la plus grande partie du "vieux village".  
 
  Après Thiébaut, ENNERY passa à l'un de ses fils, Stévenin, dit "Clerc", qui transmit à son frère Willaume, chevalier d'armes de JERUSALEM, lequel servit les rois Philippe et Jean de VALOIS, avec un cœur meilleur que sa fortune. Son fils unique Nicolle 1er lui succéda en 1385. La guerre, cependant, avait repris. Nicolle 1er ne faillit pas à cette tradition et participa aux expéditions punitives du roi de France Charles VI contre les Flamands. En 1390, les troupes du Duc de BRABANT brûlent ENNERY en même temps que les autres villages. Nicolle 1er entreprit donc la construction du donjon pour mieux défendre le village.  
 
  Il transmit le tout à son fils Collignon de HEU, dit "le grand aumonier" ; ce dernier était Seigneur d'ENNERY. En 1404, il possédait tout ou en partie : les Seigneuries de Ste RUFFINE, ROZERIEULLES, AY, TREMERY, CHELAINCOURT, MANCOURT, RUGY, BUY, CHIEULLES, ARGANCY, MALROY, MEY, CREPY, PELTRE et AUMONT. C'était le plus grand Seigneur de la cité car, à la même époque, il était taxé à 7 chevaux et lui seul atteignait ce chiffre, alors que la moyenne des membres des paraiges était à peine de 2.  
 
  Après Collignon de HEU, la seigneurie passa en 1462 à son fils Jehan ; c'est lui qui fit construire la Belle-Croix en mémoire de son père. Il suivit ses conseils et fut à juste titre honoré de la confiance publique. Il joua un rôle actif de conciliation lorsqu'une querelle s'éleva entre la ville de METZ et les chanoines. Il fut chargé d'aller plaider la cause de la ville que le pape excommunia (à cette époque, il employait souvent ce moyen de pression pour se faire écouter). Après avoir réussi cette tâche, Jehan de HEU fit le pélérinage de JERUSALEM et des autres Lieux Saints. Peu de temps après son retour, il mourut dans la force de l'âge en 1466, précédé dans la tombe par sa femme et ses deux filles. Son fils Nicolle lui succéda ; il avait alors 5 ans. En 1488, il épousa Catherine de GOURNAY. Les habitants furent invités à se divertir aux fêtes de son mariage, où un faste inouï fut déployé. 2000 personnes furent conviées à la cérémonie et à chaque villageois fut distribué une chopine de vin, une grosse miche et une pièce de viande ; de nombreux musiciens animèrent la fête.  
 
  La guerre de 1490 ravage la Lorraine mais épargne ENNERY. Il est très probable que ce fut une bonne garnison enfermée dans ses murailles qui lui valut ce privilège. Cette même année, Nicolle de HEU fut nommé maître échevin pour la seconde fois, ce qui l'obligeait à demeurer à METZ. Il était peu pressé de quitter ENNERY car une épidémie régnait. Il obtint de rester un mois à ENNERY et de faire nommer un lieutenant à sa place Malgré ces précautions, sa femme Catherine fut atteinte par la terrible maladie ; ramenée mourante à METZ, elle expira le 28 novembre. Dix huit mois plus tard, il épousa en secondes noces Marguerite de BRANDENBOURG (le 6 août 1492). La Duchesse de BRANDENBOURG meurt à son tour, alors que son mari est en Terre Sainte, pour délivrer le tombeau du Christ. Elle repose dans l' Eglise d'ENNERY (à cette époque la chapelle du château), sous l'autel de la Vierge. Le grand vitrail qui est sur le côté de cet autel la représente avec sa grande robe de velours rouge et sa couronne de Duchesse en or, telle qu'elle est enterrée.

  A la mort de Nicolle de HEU, lui succède Nicolle IV, mort en 1547. Seigneur de VRY, Maître-Echevin à METZ aux Célestin de 1539 à 1547, il fut quelque temps usufruitier d'ENNERY. Il était par ailleurs le conseiller, le chambellan de Charles Quint ; c'est lui qui fit don de la place du village aux habitants d'ENNERY et un cartouche commémorant ce fait est scellé dans le mur d'une maison dans le prolongement de la mairie actuelle. Ensuite son 3ème frère, Martin, qui porte le titre de Seigneur d'ENNERY pour laisser toute la Seigneurie à sa fille Elisabeth, née de son mariage avec Anne de FAILLY, laquelle transmit à son mari Godefroy d'ELZ, Baron de Clairvaux en 1567.  
 
  La noble famille de HEU avait alors marqué l'histoire d'ENNERY pendant plus de deux siècles.

  LA BELLE-CROIX & LA MALADRERIE  (un duo étonnant et détonant)

   Passé de vie à trépas en 1404, Nicole I de Heu lègue tous ses biens et obligations à son fils aîné Collignon appelé aussi Nicole II. Par droit d'héritage, celui-ci devient ainsi d'office Paraige de la ville de Metz et Seigneur d'Ennery. 
  Une des multiples responsabilités qui lui incombe désormais, responsabilité modeste certes, mais qui aura des prolongements bénéfiques jusqu'à nos jours pour Ennery, est celle d'entretenir la Maladrerie, édifiée voilà maintenant une décennie, par son père à la sortie du village. 
  Cette maladrerie ou hôpital pour lépreux, Nicole I l'avait édifiée dans le but noble et charitable, d'accueillir, à titre préventif, les malades du village qu'on soupçonnait d'être contagieux et qu'on craignait de soigner dans l'enceinte fortifiée du village. 
  Il est un fait avéré que ces maladies contagieuses, parmi lesquelles on comptait la lèpre, la peste, le choléra et bien d'autres aussi sournoises, avaient pour effet de terrifier les bien-portants. 
  Ne sachant comment mieux se protéger de ces redoutables fléaux, on avait pris l'habitude d'isoler les personnes atteintes pour éviter de contaminer le reste de la communauté. On les éloignait mais pas trop loin, afin de ne pas trop saper leur moral, afin de leur signifier aussi que la communauté n'était pas insensible à leur malheur, qu'elle restait soucieuse de leur état de santé et qu'elle espérait ardemment leur prompte guérison. 
  Aussi avait-on installé la Maladrerie à une cinquantaine de pas du village, à gauche de l'endroit où le sentier du village débouche sur la route de Metz. Un infirmier, appointé par Nicole I avait pour mission de soigner les quatre ou cinq malades que la Maladrerie pouvait accueillir. Un évènement inhabituel et imprévu allait changer la destinée de la Maladrerie, l'ouvrir à une dimension nouvelle et aboutir à la construction de l'oratoire de la Belle-Croix. 
  Un soir d'août 1458, arrive à la "Porte Basse" d'Ennery, un homme fourbu, harassé, les pieds ensanglantés, la bouche sèche, le visage couvert de sueur et de poussière, le vêtement et la coiffe passablement en mauvais état, mais décorés de plusieurs coquillages. Une sentinelle l'aperçoit, lui tend sa gourde, le relève et le fait entrer dans le poste de garde. Quelques instants plus tard, quelque peu remis de son épuisement, l'homme s'explique : "Je suis un pélerin. Je reviens de Compostelle, d'Espagne. Voici des mois que je suis parti. Je veux retourner chez moi à Liège. Je marche, je marche, maintenant je n'en peux plus, je suis à bout." 
  Prévenu, Collignon de Heu, le maître de céans, s'empresse d'accourir. A travers ce pélerin épuisé, c'est le Christ qu'il découvre comme en filigrane, c'est le Christ qu'il voit, lui mendiant son assitance. Comment, dès lors, rester insensible devant tant de détresses humaines. Son coeur en est bouleversé de compassion. Sa foi lui dicte d'agir en faveur de ce malheureux pélerin venu se réfugier sous son toit et frapper à la porte de son coeur. Alors, comme le fit le Christ, au soir de la Cène, il se ceint d'une serviette, lave et soigne les pieds du pélerin avec douceur et humilité. Il l'invite ensuite à retrouver des forces en partageant à sa table le couvert. Enfin il lui accorde dans son château le gîte pour la nuit. Au fil de la conversation, il apprend son origine. C'est un Liégeois ! Un compatriote ! Il en est tout retourné. Ce pélerin le fait penser à Gille, son aïeul, originaire, lui aussi, de Huy (qu'on prononce Heu), petit village près de Liège, et qui est allé, lui aussi, en pélérinage à Compostelle. 
  Pour conserver à jamais le souvenir de cet exploit, il a tenu à marquer son blason, devenu celui de la famille des "de Heu", de trois coquillages de Saint Jacques, symbole de la nouvelle naissance obtenue par le baptême. Son coeur est ému à ce souvenir. Ce flot de pensées l'amène à se reprocher de ne pas avoir fait davantage pour tous ces nombreux pélerins qui défilent sans cesse devant sa demeure et auxquels il n'a porté jusqu'ici qu'une attention distraite. 
  Car la route qui passe devant Ennery, qui longe la Moselle, est une des routes incontournables pour se rendre à Compostelle ou à Rome. Sur cette route cheminent, en effet, les pélerins venant de Gand, de Liège, de Luxembourg, de Cologne, de Francfort, de Trèves et même des villes de Pologne comme Szczecin et Gdansk. 
  Tous ces pélerins passent par Ennery, se dirigent vers Metz, Lyon, bifurquent vers Le Puy, Cahors, Ostabat, traversent la frontière qui conduit en Espagne au Col de Roncevaux, contournent Sahagun pour atteindre enfin dans un débordement indescriptible de joie le but de leur pélérinage, la tombe de St Jacques de Compostelle. Toutefois, cette marche, si longue, si fatiguante vers Compstelle, les pélérins ne peuvent l'effectuer que parce que, tout au long de la route, ils peuvent rencontrer à toutes les étapes, des hospices, des hôtels-Dieu, des maisons d'accueil où ils peuvent trouver ce dont ils ont besoin pour nourrir et soigner leur corps harassé. Cette marche vers l'absolu, ils ne peuvent la mener avec constance et persévérance que parce qu'ils peuvent trouver à chaque étape, des églises, des monastères ou tout simplement d'humbles calvaires au bord de la route où ils peuvent se renouveler spirituellement, stimuler leur foi et retremper leur énergie. 
  Collignon sait tout cela. Combien de fois n'a-t-il pas écouté avec émotion le récit passionné des pélerins évoquant les péripéties de la route, la beauté des sites, la ferveur du voyage, la joie exubérante de l'arrivée à Compostelle près du tombeau de St Jacques. 
  Alors son sang ne fait qu'un tour ! Il ne peut rester indifférent au sort de tous ces pélerins qui passent devant sa porte. Leur foi, leur courage et leur héroïsme ébranlent son coeur. Son devoir de chevalier chrétien lui commande de faire quelque chose. Il tient à apporter sa modeste contribution à tous ces pélerins en quête de Dieu et d'absolu mais démunis de tout. Il ne peut faire moins que Gille de Heu, son aïeul, sans se déshonorer. Il prie. Il réfléchit. Et voilà que la lumière se fait dans son esprit. Il décide d'agrandir la Maladrerie, ou plutôt d'accoler sur un côté du bâtiment existant une grande salle qui sera réservée uniquement aux pélerins de passage, une vaste pièce qui sera comme le "Relais du Pélerin" et où celui-ci pourra toujours trouver le gîte et le couvert. 
  Mais il veut faire davantage encore. Il sait, par l'Evangile, que "l'homme ne vit pas seulement de pain mais aussi de toute parole qui sort de la bouche de Dieu". Il sait que les nourritures matérielles ne suffisent pas à rassasier le coeur de l'homme, qu'il a besoin également des nourritures spirituelles. Alors, pour fortifier la foi des pélerins, les engager à persévérer courageusement dans leur dessein, il décide, en outre, d'élever devant la Maladrerie, au vu et su de tous, un Oratoire en l'honneur de la Sainte-Croix. Oui, l'Oratoire en l'honneur de la Sainte-Croix que Collignon veut dresser près de la Maladrerie, sur le côté de la route, doit être, avant tout, un rappel de ce que Notre Seigneur Jésus-Christ a accompli pour les hommes, une preuve éclatante que jamais son amour pour nous ne faiblirait, une invitation, dans nos épreuves, à ne jamais nous lasser d'implorer le secours de celui qui est passé par nos souffrances, qui les comprend, qui peut y porter remède et nous établir à nouveau dans la paix du coeur et de l'esprit. 
  A ce rappel du salut obtenu par Jésus-Christ, Collignon veut y lier un souhait. Il voudrait que l'Oratoire soit un lieu de prière où chacun puisse s'arrêter un instant et se recueillir, ou, tout simplement, jeter un rapide coup d'oeil vers le Christ-Crucifié pour le remercier de ses bienfaits ou lui demander ses grâces. Il sait très bien qu'un tel comportement ne pourra que resserrer les liens d'amitié entre le croyant et son Dieu et lui être profitable en toutes choses. 
  Enfin Collignon veut aussi que l'Oratoire soit assez grand pour que sa silhouette imposante puisse être perçue de loin par les pélerins; qu'elle soit pour eux, lors de cette ultime approche avant l'étape, comme un repère plein de réconfort, leur signalant que l'instant est proche où ils pourront faire halte, en toute quiétude, à l'ombre de la Croix, prendre un peu de repos et de nourritures à l'intérieur de l'hospice voisin, avant de reprendre la route vers d'autres cieux aussi cléments. 
  Pour Collignon, l'exécution du projet reste dans le domaine du possible. Il en a les moyens. Les bénéfices qu'il tire de sa charge de paraige de Metz, de châtelain d'Ennery sont considérables. Il pourrait les consacrer à un usage moins noble. Sa piété l'incite à les utiliser pour élever ce monument qui demeurera comme un témoignage perpétuel et visible de sa foi et de son amour pour le Chris-Jésus. 
  Dès lors, tout va progresser à rythme très rapide. 
  Avec le concours d'un architecte messin, il établit les plans du futur édifice. Dans un même temps, il fait venir des carrières de Jaumont de belles pierres couleur or, que s'empressent aussitôt de tailler d'après les plans prévus, les nombreux ouvriers spécialisés qu'il a fait venir de Metz. Les travaux s'effectuent avec ardeur sur un terrain situé non loin du lieu où doit être érigé le monument. 
  La Croix est d'abord dressée à une dizaine de mètres de la Maladrerie, à l'angle formé par la route d'Ennery et celle qui relie Metz-Thionville. 
 Puis, c'est à l'Oratoire de s'élever majestueusement, pareil à une couronne royale qu'on aurait posée au dessus de la Croix, pareil encore à un monumental reliquaire ou à une châsse imposante et vénérable abritant en son sein comme une précieuse relique, la BELLE-CROIX du Christ, source de salut pour tous les hommes. 
  Les travaux achevés, Collignon de Heu organise une petite cérémonie empreinte de simplicité au cours de laquelle la Belle-Croix et l'Oratoire sont bénis pour être consacrés officiellement à Dieu et à la prière. Les habitants du village font cercle autour de l'édifice. Le prêtre récite les prières de bénédiction, puis, lentement, faisant le tour du monument, il asperge abondamment d'eau bénite la Croix et l'Oratoire. La bénédiction achevée, tous, à la suite de Collignon qui donne l'exemple, tous se sont agenouillés un instant devant la Croix pour rendre grâce à Dieu d'avoir permis cette magnifique réalisation et pour lui demander sa divine protection. 
  Cet évènement, qui couronnait l'oeuvre de Collignon et devait marquer définitivement les annales d'Ennery, peut se situer aux alentours d'une belle matinée d'un dimanche d'été 1460, à la suite de la messe dominicale célébrée comme de coutume à l'église paroissiale. 
  Assurément, Collignon, Seigneur d'Ennery, peut être fier de son oeuvre. L'Oratoire de la Belle-Croix, plein d'élégance et de charme, peut se dresser fièrement en bordure du petit hameau d'Ennery. Désormais, comme un fanal, sa présence majestueuse au bord de la route des grands pélérinages peut éclairer et réconforter les pélerins de passage. L'arrivée impromptue d'un d'entre eux, aux marches du château d'Ennery, avait été à l'origine et de l'agrandissement de la Maladrerie et de la construction de la Belle-Croix; tous pouvaient maintenant bébéficier des avantages matériels et spirituels que Collignon de Heu, le "Grand Aulmonier" mettait à leur disposition. 
  Comment l'Oratoire de la Belle-Croix peut-il apparaître aux yeux émerveillés des pélerins abordant le village d'Ennery ? 
  En vérité, l'édifice se révèle à leurs regards enthousiasmés comme un véritable chef d'oeuvre, de conception tout à fait originale, d'une rare élégance et de formes et de proportions, qu'ils n'ont jamais vu ailleurs, et que, d'emblée, pour cette raison, ils ont tout de suite appelé "Belle-Croix". 
  L'ensemble du monument emprunte un style de l'époque : le gothique flamboyant. L'édifice qu'ils voient, forme une admirable construction de pierre jaune de Jaumont reposant sur une solide unfrastructure quadrilatère lui conférant une stabilité totale. Au centre de cette plate-forme se trouve un volumineux socle octogonal sur lequel se dresse un fût de colonne polygonal, couronné par une Croix où apparaît, sculpté délicatement en relief à même la pierre, l'image du Christ crucifié. 
  Le "mariage" de la Maladrerie et de l'Oratoire de la Belle-Croix, qui n'est autre que l'union du matériel et du spirituel, devait se prolonger trois siècles durant. 
  Trois siècles durant, les pélerins, les voyageurs, les nécessiteux, les déshérités ont su, qu'au village d'Ennery, au coeur de la Lorraine, il était possible d'y faire halte pour y trouver de quoi être nourri, logé et soigné mais aussi de quoi s'y refaire spirituellement dans la prière et la comtemplation de la Belle-Croix, source d'espérance, de réconfort et de joie. 
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N.B. : C'est un fait avéré que la Révolution de 1789 n'a pas été tendre avec Ennery. Louis XVI avait ouvert la voie au dialogue. La population, plein d'espoir, avait transmis ses aspirations dans les cahiers de doléances écrit de la main même du curé. Or, le nouveau Maître ne tarda pas à faire sentir sa poigne au grand désarroi de la population. La Maladrerie, le presbytère, le château sont vendus comme biens nationaux. Le curé d'Ennery, l'abbé Blanchetête est contraint de prêter serment à la Constitution. Michel Ignace Dupasquier de Dommartin, époux de Thérèse Potier d'Ennery, propriétaire du château, est guillotiné le 23/10/1792 à Paris. Il est le premier mosellan exécuté par la Révolution. L'abbé Maucolin, curé d'Hessange-Bettelainville, prêtre non jureur est guillotiné à Metz le 13/08/1798, à 39 ans, sur la place ST Thiébaut. 
A la suite de sa fermeture en 1789 pendant la Révolution Française, la Maladrerie, restée logtemps à l'abandon, est tombée d'elle-même en ruine. Sur ses fondations, le nouveau propriétaire a reconstruit un nouveau bâtiment en 1848, devenu une auberge-restaurant qui continue, encore aujourd'hui, d'une certaine manière, à remplir les exigences qui étaient les siennes à l'origine : nourrir les touristes et les routiers, pélerins du monde moderne. 
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  La révolution de 1789 et en particulier la période de la Terreur devaient briser cette belle harmonie existant entre la Maladrerie et l'Oratoire de la Belle-Croix. Le siècle de la suprématie de l'homme et de la raison ne pouvait pas supporter cette union de l'humain et du divin. Le personnel religieux de la Maladrerie appointé par le seigneur du château fut licencié. La Maladrerie elle-même fut confisquée et vendue comme "bien national". Le nouveau propriétaire, voyant l'intérêt commercial du bâtiment construit aux abords d'un axe routier important, en fit une auberge-restaurant, renouant ainsi d'une certaine manière avec sa vocation première consistant à accueillir, à nourrir et à désaltérer les passants. Aujourd'hui encore, le bâtiment est affecté au même usage. De la Maladrerie, plus personne n'en a souvenance. Seules les archives en gardent des traces tenaces. Il n'empêche que, pour son époque, la Maladrerie fut un établissement exemplaire de lumière, d'espoir et de générosité pour beaucoup. 
 L'oratoire de la Belle-Croix devait, lui aussi, ressentir les effets néfastes de la Révolution. La Croix offusquait le regard des nouveaux maîtres du pays. Un jour, les habitants du village, profondément choqués et révoltés, virent leur "Belle-Croix" profanée, renversée et mis en pièces. Des soudards de passage, ivres de vin et de carnage, avaient réalisé cet exploit sacrilège avant d'aller porter plus loin, en d'autres lieux, leur haine destructrice. 
  La paix et le calme revenus au pays, après ces jours sombres, la Croix fut pieusement restaurée. Et, à nouveau, avec ferveur, la population prit l'habitude de venir honorer et prier la Croix du Rédempteur. 
  Toutefois, après la disparition des grands courants de pélérinage vers Compostelle et Rome, survenue à la suite des guerres de la Révolution et celles de Napoléon I, l'Oratoire de la Belle-Croix perdit beaucoup de son importance symbolique et de son auréole. La Maladrerie avait changé d'affectation. L'Oratoire, du coup, perdit définitivement cet aspect de repère, de signe, de phare qu'il était pour les pélerins selon la volonté de Collignon de Heu. Il n'en demeurait pas moins un délicieux petit oratoire édifié pour honorer la Croix du Christ, source d'espérance et gage de vie éternelle. Il n'en restait pas moins une belle oeuvre d'art tout à fait originale, une magnifique et harmonieuse construction architecturale, qui méritait absolument et à tout prix d'être entretenue, protégée et conservée par les héritiers immédiats d'un tel merveilleux patrimoine. 
  Conscients de la valeur artistique et religieuse de ce monument, fiers de posséder un tel trésor, unique en son genre dans la région, les générations post-révolutionnaires s'appliquèrent à protéger et à conserver intact ce riche patrimoine légué par leurs ancêtres. 
  Il est évident qu'avec les années, malgré les soins ordinaires qui lui étaient prodigués, le monument exposé sans cesse aux intempéries, ne pouvait que pâtir des outrages du temps. Un moment vint, où, pour la survie de ce patrimoine artistique hors pair, des travaux plus approfondis de réfection devaient être sérieusement envisagés. 
  La municipalité n'était pas riche. La restauration du monument apparaissait, de toute évidence, comme fort coûteuse. Aussi des démarches furent entreprises en 1921 pour obtenir l'inscription de l'Oratoire de la Belle-Croix au "Répertoire des Monuments historiques de France". 
  Il faut savoir que cette inscription confère au monument une sorte de consécration, une notoriété exceptionnelle, du fait que sa valeur artistique est reconnue officiellement et proposée à l'attention et à l'appréciation du pays tout entier. 
  Les travaux de restauration seront financés par le Sous-Préfet (au nom des Monuments historiques) et par la commune. Le monument dont les pierres de jaumont sont noircies par le temps, est nettoyé avec des brosses métalliques et retrouve ainsi sa belle couleur d'antan : Jaune-or. De petites murettes surmontées de grilles en fer sont élevées entre les piliers pour fermer et protéger l'intérieur du monument. 
  Les travaux achevés, l'Oratoire de la Belle-croix resplendit à nouveau avec éclat sous la caresse du soleil. 
  Les affres de la guerre 39/45 n'épargnèrent pas ce monument. De retour d'expulsion, les habitants du village, soucieux de leurs difficultés parsonnelles, nées de la guerre, ne prêtent plus guère attention au Monument. 
  Il faut attendre 1976 pour voir un groupe de jeunes du village s'occuper de son sort et lui faire retrouver son lustre d'antan. 
  1978 va apporter un profond bouleversement au Monument de la Belle-Croix. L'émergence du Pôle industriel d'Ennery et son expansion future redessine le paysage local. Il s'avère nécessaire de construire un axe routier à deux fois deux voies reliant Ay-sur-Moselle et l'échangeur de l'A4 à Argancy. La "Belle-croix" étant sur le trajet, elle sera entièrement démontée, pierre par pierre, numérotée, et remontée à 48 mètres de son emplacement initial. 
(extraits du livre "Ennery - Histoire d'un village et de son église" de l'Abbé Jean Nowacki.) 
 
   ORIGINE DES ARMOIRIES  
 
  C'est en 1232 que deux frères originaires de Liège, quittent leur village natal de Huy, prononcé Heu, pour se rendre à Metz et s'y installer. Ils se nomment Rougier et Gille de Heu.  
 
  Gille de Heu ,qui est Chevalier d'Avence, emmène avec lui ses armures mais celles-ci sont incomplètes. Il manque un détail: son bouclier ne porte pas de blason pour le caractériser, lui et sa future dépendance. Son choix va être guidé par deux détails.  
 
  Le premier est la fervente admiration de Gille de Heu pour Godefroy de Bouillon. En effet ils sont tous deux nés en Basse-Lorraine dans des villes distantes d'une cinquantaine de kilomètres. Gille de Heu n'est donc pas insensible aux prouesses de Godefroy de Bouillon qui se répandent dans toute la région (il s'illustra lors de la prise de Jérusalem et fut élu Roi de cette ville en 1099). Gille de Heu reproduisit donc sur son écusson les caractéristiques du blason de Godefroy: un écusson coupé en diagonale par une bande.  
 
  Pour montrer son respect envers les ducs de Lorraine, il choisit des émaux représentant le mieux son sacrifice et son service: le rouge et le blanc.  
 
  Le second détail qui influença Gille de Heu dans le choix de son blason fut son pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle. Ce jeune chevalier baptisé et très pieux, voulut remplir ses engagements envers Dieu, faire acte de bravoure. Pour cela il décida de réaliser un long et dur pèlerinage. Il dut parcourir plus de mille kilomètres à pied. Sur la route il n'était pas seul, les pèlerins étaient nombreux. Arrivé à Saint Jacques de Compostelle il put alors porter la célèbre coquille de St Jacques sur son manteau et son chapeau. A la place des trois alérions situés dans la bande du blason de Godefroy de Bouillon, Gille de Heu décida de faire figurer sur son blason trois coquilles symboles de son pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle.  


Gille de Heu possède maintenant son blason : un écusson rouge traversé par une bande blanche sur laquelle figurent trois coquilles.  
 
Sa devise aurait pu s'exprimer ainsi: " Fidélité (blanc) dans le service (rouge) de Dieu et du prochain (coquille) ".  
 
Les armoiries de Gille de Heu furent adoptées par toute la lignée des de Heu puis ,en 1957, par la commune d'Ennery.  
 
Pour en savoir plus sur cette famille, consulter la thèse de Pierre-Marie Mercier :  
 
http://www.theses.fr/2011METZ017L